Pas si simple…

J’aime écrire. J’écris tous les jours, sur tout et n’importe quoi. J’écris n’importe quand et n’importe comment. Rien ne m’arrête.

Mon petit carnet attend sagement dans ma poche pour être rempli de sensations, sentiments ou moments vécus. Il est peut-être mon meilleur ami car il est toujours prêt à m’écouter, sans jugement.

Selon l’endroit où je me trouve, les mots me viennent en allemand ou en français. J’utilise plutôt l’allemand lorsque je suis entourée de francophones et le français lorsque je suis entourée de germanophones. Ainsi, je garde un lien avec l’autre moi. Car chaque langue repose sur un passé émotionnel différent. Après mon arrivée en France à dix-neuf ans, le français s’est progressivement implanté dans mon cœur pour y prendre la même place que l’allemand. Aujourd’hui, le français me plait tout autant que ma langue maternelle et je m’amuse avec les deux.

Et comme J’aime traduire et que je traduis au quotidien, je me suis lancé le défi de traduire mes propres texte. À ma grande surprise, cela est bien plus compliqué que prévu. Peu importe la combinaison linguistique, il y a un moment où je me heurte à des nuances ou à des connotations intraduisibles. Alors, je reformule jusqu’à aboutir à un texte qui me correspond dans les deux langues. Un texte où rien ne se perd à la traduction, en tout cas pas pour moi.

Je te partage une de ces traductions que j’ai faite de manière ludique, juste pour le plaisir. L’histoire de voir si je ressens la même chose quand je lis mon autotraduction. Et je sens une minuscule différence en lisant la version allemande. Ayant découvert Rosa Luxemburg avant de venir en France, j’ai une préférence pour le poème allemand. Il me fait plus vibrer, tout simplement.

Et toi ? Traduis-tu tes propres écrits ? Si oui, dis-moi en commentaire comment tu le vis.

Berlin, le 15 janvier 2019  

Je descends mon bonnet jusqu’aux oreilles,
souffle dans mes mains
et me retrouve devant ta tombe banale
qui porte ton nom immense  

ROSA LUXEMBURG  

Polonaise, bourgeoise, juive ?, traductrice,
intellectuelle, féministe, révolutionnaire, femme, martyre.  

Ta petite silhouette au chapeau élégant
boite imperturbablement devant les seigneurs et les ouvriers,
pour leur montrer le chemin vers la liberté.  

Méprisée, adorée, détestée, persécutée,
arrêtée.  

Les œillets fanés s’envolent
et dévoilent toute ta pierre tombale :  

Rosa Luxemburg
assassinée
15 JANVIER 1919  

Je remonte mon écharpe sur mon nez,
piétine
et me languis de toi.  

Comme j’aurais aimé boire un thé avec toi,
avant que ton corps torsionné
ne soit sorti du canal de Berlin,  

afin que tu me montres le chemin vers la liberté.
Berlin, 15. Januar 2019  

Ich ziehe meine Mütze über die Ohren,
puste in meine Hände
und steh vor deinem unscheinbaren Grab
mit deinem großen Namen  

ROSA LUXEMBURG

Polin, Bürgerin, Jüdin?, Übersetzerin,
Intellektuelle, Feministin, Revolutionärin, Frau, Märtyrerin.  

Deine kleine Gestalt mit Damenhut hinkt
unbeirrt den Herren und Arbeitern voraus,
um ihnen den Weg zur Freiheit zu zeigen.  

Verschmäht, verehrt, gehasst, verfolgt,
festgenommen.  

Die verwelkten Nelken wirbeln auf
und legen dein ganzes Grab frei:  

Rosa Luxemburg
ermordet
15. Januar 1919  

Ich schiebe meinen Schal über die Nase,
trete von einem Bein auf das andere
und sehne mich nach dir.  

Wie gerne hätte ich einen Tee mit dir getrunken,
bevor dein geschändeter Körper
aus dem Landwerkanal gezogen wird,  

damit du mir den Weg zur Freiheit zeigst.