Certains départs passent inaperçus, d’autres nous marquent à vie.
Le savons-nous au moment du départ ? Je crois que oui, en tout cas notre inconscient le sait et nous signale qu’une page importante se tourne dans notre vie. Alors, nous sommes réceptifs et gardons nos sensations dans nos souvenirs.
Voici le récit sur mon départ pour la France où je vis encore !
Souvenir de mon avenir
Il y a des jours que nous n’oublions jamais et moi, je n’oublierai jamais le 21 juin 1985. Le jour où tout a vraiment basculé pour moi. Et je m’en souviens comme si c’était la semaine dernière, alors qu’il y a plus de 30 ans.
Le bac en poche depuis quelques jours et un peu effrontée, je passe mon permis de conduire dans la matinée du grand jour. Fallait le faire, je l’ai fait. Ensuite, je prépare mon vieux sac de voyage en y jetant quelques fringues de jeune fille et mange tranquillement mon dernier repas avec ma mère avant d’aller à la gare. Je nous vois encore arriver à cette petite gare aux briques rouges et quatre quais venteux. Nous sommes à Niebüll, en Allemagne, un peu coincées entre la mer du Nord, la mer Baltique et la frontière danoise. Un endroit totalement inconnu.
Je me souviens très bien de moi, debout, contre la fenêtre ouverte du compartiment, envoyant un baiser d’adieu à ma mère. Je suis impatiente de vivre cette aventure qui allait démarrer avec le départ du train. Et je la ressens encore aujourd’hui, cette envie de partir, de quitter ce pays plat balayé par le vent incessant, souvent froid.
Le claquement des portes qui se ferment retentit, mon cœur bat jusqu’au cou et je vois ma mère courir derrière le train. Sa tête décoiffée devient de plus en plus petite, puis disparaît pour se fondre dans le paysage vert. Je détourne mon regard et admire mon ticket aller à destination de Bordeaux.
Et ma vie peut commencer.
©Agnes Heisler 2021